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Signé Cap-Haïtien

Hommage à Cary Hector (Charles Manigat)

Au nom de la Société Capoise d’Histoire et de Protection du Patrimoine, de l’INUJED, (Institut Universitaire des Sciences Juridiques, Économiques et de Développement Régional), en mon nom et celui de mon épouse Eva Péan, amie de jeunesse de Cary, cet hommage-témoignage :

Mon frère Max, quelques heures après la mort de Cary, a fait paraître un texte pour saluer son départ. Ce court texte résumait à la fois le tout et l’essentiel de ce qui nous attachait à Cary. Je cite : «Il fut pour nous, les frères Manigat, Charles, Claude et moi, cet ami intime de chaque jour et de tous les jours. Merci d’avoir cheminé avec nous. Ton passage sur terre nous a enrichis».

Cary, tu sais et tu as toujours su combien nous t’aimions. Nous avons eu la chance d’être nés au Cap-Haïtien, d’être Capois, fils de ce Cap tyrannique dans ses amours comme dans ses fidélités. J’étais content quand j’ai entendu Michel HECTOR dire : « Je suis Capois natif natal». J’ajoute afin que nul ne l’ignore : c’était mardi dernier après le service religieux chez Kathleen.

Je te dis un grand merci pour tout ce que tu as fait pour la Société Capoise lors de la commémoration du centenaire de la mort d’Anténor Firmin. Notre président Émile Eyma Jr, son jeune frère Antony Eyma, tous les membres de la société te disent : « Bon Voyage ». Qu’aurait été la célébration du centenaire sans toi?

Il nous faut signaler le patronage de la Société Nationale d’Histoire et de Géographie, le soutien constant de la Commission présidentielle pour la commémoration des grandes dates de l’Histoire d’Haïti.

Michel Hector, Henry Robert Jolibois et toi Cary furent les artisans de cette grande réussite depuis la journée du 11 septembre 2011 jusqu’au colloque international du 14 au 16 décembre, à l’Université Quisqueya.

C’est ton sens de la collaboration, ton sens de la mesure, qualités rares, qui nous ont valu le concours d’une large brochette de contributeurs : Fritz Jean, Hérard Jadotte, Carl Braun, Michèle Pierre-Louis, Leslie Manigat, Mirlande Manigat, le professeur Acacia, les intellectuels de Cuba, des États-Unis.

Maintenant que tu n’es plus, il nous faudra puiser les réponses dans le sang neuf que nous apportent les jeunes.

Trois groupes de jeunes travaillent chaque année et concourent pour gagner soit le prix Dr Marc Péan pour la recherche historique; soit le prix Albert Mangonès pour les études sur le patrimoine; soit le prix Vergniaud Leconte pour la dissertation historique.

Nous allons affronter sans toi deux grands rendez-vous : celui du 350e anniversaire de la fondation de la ville du Cap-Haïtien en 2020 et celui du Bicentenaire de la mort de Henry Christophe le 8 octobre 2020. Nos réunions de préparation se tiennent déjà; tu aurais été avec nous, tu aurais continué à nous inspirer pour que la Société Capoise puisse trouver sa place dans le concert des diverses participations. Avec ces mots, la société Capoise te dit encore « Merci ».

La célébration de la vie de Cary Hector pour reprendre cette belle expression de la liturgie catholique est l’occasion pour plus d’un de dire ce qu’a été la contribution de Cary tant à l’œuvre nationale, qu’à la construction d’une humanité plus juste. Chacun au gré de son vécu avec lui. Max Manigat peut-être le tout premier, Henri Piquion, Jacky Lumarque, Leslie Péan, Jean Casimir, Laënnec Hurbon, pour ceux que j’ai lus et entendus.

Je n’ai pas encore lu les textes qui disent du mal de Cary. Il y en a qui reprendront leur psalmodie de la période d’après le coup d’État. Il y en a qui l’insulteront pour rester cohérents avec eux-mêmes. S’ils étaient sincères, nous pourrions leur répondre : «Que celui qui est sans péché, lui jette la première pierre».

Vingt années ou davantage à l’Université du Québec à Montréal ! Salut ! Le Québec nous a accueillis, nous a permis de grandir en même temps qu’il grandissait. Il nous a permis de vivre, d’expérimenter le changement; croyez-moi, ce n’est pas rien. Après trente ans de vie en Haïti, de retour de l’étranger, je peux dire que ce n’est pas pour demain, à moins que, à moins que…

Cary, tu es parmi ceux et celles qui sont retournés en Haïti. Promesse tenue. La mort t’a trouvé portant le tablier, la truelle à la main, comme conseiller senior à l’Université Quisqueya. Nous avons vécu côte à côte avec Jacky Lumarque dans le Groupe de Travail pour l’Éducation et la Formation (GTEF); commission formée par feu le Président René Préval. Proche de mes quatre-vingts ans, je m’essoufflais pour être au rythme et pour suivre la cadence de travail de cette commission : Fort-Liberté, Ouanaminthe, Anse-à-Veau, Port-de-Paix.

Aucuns frais ni émoluments n’étaient prévus pour nos contributions. Nous étions logés, nourris et voiturés. La présidence de cette commission a valu pourtant à Jacky Lumarque l’invalidité de sa candidature à la présidence. Défaut de décharge !!

Tu n’habitais pas la capitale en ce temps-là, tu vivais au Cap-Haïtien où tu dirigeais la Faculté des Sciences Administratives de l’Université Notre-Dame. C’est l’un des moments importants de ta contribution au pays. Tu as été choisi par Mgr François Gaillot pour réaliser cette tâche. As-tu réussi ton pari, même en suant et en peinant beaucoup? Je n’en suis pas sûr.

De mon côté, j’avais raté mon expérience de changement à la Faculté de Droit du Cap-Haïtien. Plus de vingt ans après, le Vice-Recteur Toussaint de l’UEH pointe encore du doigt ce qu’on aurait dû faire. La lutte féroce pour imposer l’INUJED ne m’avait pas épuisé. J’ai beaucoup appris sur les «alliés objectifs», je n’avais plus l’enthousiasme, il ne me restait plus que de l’orgueil…

Cary était toujours en instance de bilan. Mes expériences pendant la période électorale, la lutte à la Faculté de Droit et pour l’INUJED éclairait souvent mes considérations.

Un jour de grosse réflexion (lisez, grosses déprimes) sur la route de Bel-Air qui mène à l’INUJED, on a fini par se poser la question de vérité. Que restera-t-il de tout cela? Espoir! Illusion! Mauvaise estimation! 20 ans, 25 ans d’investissement, pourquoi? C’est peut-être pas assez, mais combien nous reste-t-il de temps, pour penser, investir? Quinze autres années? Vingt? Des jours, des nuits, des heures infernales déjà investis, qu’en restera-t-il? C’est quoi déjà?

I don’t know sir, I really don’t know. Tu luttes contre de gros « morceaux »: le poids énorme des religions commerciales, le poids énorme des frustrations de larges strates des classes moyennes, le poids de l’anonymat, le poids des masses achetables lors des élections; viennent ensuite les incompréhensions, les impossibilités de dialogue; « l’ignorance en habit de marquis, en robe de comtesse », la question de la couleur (omniprésente), la question de la langue (artificielle pour certains, essentielle pour d’autres, bon nombre). Beaucoup plus d’ombres que de rayons de soleil ! Mon ami, certains y répondront par de vérités de catéchisme. Faut-il arrêter? Non.

Faut-il continuer? Oui. Et tu as continué. Tu es allé à Quisqueya après Notre-Dame. Quel bilan?

Maintenant, parlons de ton autre histoire d’amour: le sport. Les jeux olympiques! Les coupes du monde! Les grands, tu les connaissais tous: Mohammed Ali, Pélé, Carl Levis, Nadia Comaneci, Martino, John Mc Enroe, Usain Bolt. Oui, il faut continuer. Il faut viser cela.

Serena Williams n’avait pas plus grand fanatique que toi. Tu fermais ton récepteur quand elle jouait mal. Quand son pourcentage de premier service avoisinait la moyenne. Et moi de te dire : « Donne-moi une chance de voir Serena en train de faire danser ses ‘dadas’ ». Pourtant tu jouais aussi au tennis. Et Michael Jordan, Lebron James?

L’on croirait que tu ne t’occupais que de livres et de réflexions intellectuelles? Je dis tout cela parce que tu vivais comme nous, en plus d’être un homme modeste, sincère, et surtout un homme de bien…

La bonne! Maurice Mompoint, ami commun, me demande de tes nouvelles. Il est à Port-au-Prince et il faut qu’il aille déjeuner avec toi. Sur son insistance amicale, tu as accepté. Sa logique : À nos âges, quand on a la possibilité d’être avec les gens qu’on aime, il faut toujours en profiter. N’avait-il pas raison? Cary avait cette même attitude vis-à-vis de son grand ami Henri Bazin.

Un dernier mot : Merci Cary d’avoir cheminé avec nous, de nous avoir permis d’apprendre plusieurs années durant, à tes côtés, le difficile métier d’homme.

Je n’en finirais pas de dresser la liste de tous ceux et toutes celles qui t’ont beaucoup aimé et qui éprouvent une profonde peine à te voir partir. Le Club des huit (8) se courbe sur ton passage.

Source : Charles Manigat, Professeur INUJED, 2017
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