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José Marti et le Cap-Haïtien : chronique d'une coopération entre Haïti et Cuba (Compilation Tet Ansanm pou Okap)

Le 23 janvier 2014, a été officiellement inaugurée une place publique, dédiée au héros de la révolution cubaine José Marti, par le président d’Haïti, Joseph Michel Martelly, en présence d’une impressionnante délégation cubaine coprésidée par l'ambassadeur cubain en Haïti, Ricardo Gracia Napoles, et le représentant personnel du président Raul Castro, le ministre cubain de la Culture, Rafael Bernard Alemani.

L'inauguration de cette petite place dédiée à l'illustre révolutionnaire cubain José Marti est d'une portée immense pour la mémoire du peuple haïtien, particulièrement celle des jeunes générations montantes. José Marti, poète et révolutionnaire, est avant tout un farouche panaméricaniste et internationaliste. Il fut un ardent défenseur de tous les opprimés de notre Amérique. Cet engagement est illustré dans son œuvre intitulée Nuestra America en 1891. Cette œuvre est un véritable plaidoyer pour l'unification des peuples de l'Amérique latine face à la menace impérialiste émergente des États-Unis d’Amérique (selon ses propres termes). (1)

La Place José-Marti est un parc étroit avec quelques arbres avec au centre, le buste de José Marti. Il est situé à l'extrémité de la rue 17, proche de l'intersection de la rue A. Ce buste de José Martí (1853-1895), le père de l’indépendance cubaine, est monté sur un socle gris sur lequel est posée une plaque noire, plaque qui reprend les vers de la célèbre chanson "Guantanamera" et porte aussi mention de la date à laquelle José Marti a quitté Cap-Haïtien en direction de Cuba, le 7 avril 1895.

Le buste est une œuvre qui provient de la fonderie de l'École nationale des Arts (ENARTS). Il a été réalisé par Ludovic Booz qui supervisait ce projet; il était assisté par ses meilleurs étudiants de l’Enarts.(2) Comme le précise le directeur de l’École nationale des Arts, M. Philippe Dodard, ce buste destiné à la Place José-Marti symbolise l'amitié entre Haïti et Cuba. Avant d’être placé sur la place, en janvier 2014, le buste a été dévoilé, le 24 octobre 2013, au Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH) par Philippe Dodard, lors de la visite en Haïti de M. Esteban Lazo Hernández, président de l'Assemblée nationale de Cuba.

Buste de José Marti, Place José Marti

La construction de la place financée par le gouvernement cubain, en reconnaissance de la contribution du Cap-Haïtien à la conquête de l’indépendance cubaine, a pour objectif de rappeler le souvenir de l’implication de José Marti dans la guerre d'indépendance cubaine et une nouvelle appréciation pour l'homme qui s'était fermement engagé à lutter en faveur de l'autodétermination des peuples.

Elle commémore, également, la genèse de la coopération entre les peuples d'Haïti et de Cuba. Une coopération qui se développe encore au bénéfice des citoyens haïtiens et cubains ainsi que la gratitude du peuple cubain envers le peuple haïtien pour l'aide accordée au précurseur de l'indépendance cubaine, ce que n’a pas manqué de souligner, dans son discours de circonstance, le représentant de Raoul Castro, Rafael Bernard Alemani.

Qui est José Marti ?

José Marti est né à La Havane, en 1853. Très jeune, à 16 ans, il publie dans un journal son drame Abdala, vibrant réquisitoire contre l'Espagne. Condamné à 6 ans de travaux forcés, il est déporté à Cadix. Il s'inscrit à l'Université de Madrid, écrit beaucoup et publie une brochure intitulée La République espagnole devant la révolution cubaine. Après avoir obtenu, en 1874, une licence en philosophie et Lettres, il s'embarque pour Paris où il rencontre Victor Hugo. Un an plus tard, il arrive au Mexique et devient collaborateur d'une grande revue. En 1877, il est maintenant professeur de littérature française, anglaise, allemande, italienne, d'histoire et de philosophie, à l'École centrale du Guatemala. De retour en 1878, à la Havane, devant le refus de l’autorisation d’y ouvrir un bureau d’avocat, il repart en exil à New-York puis en Colombie.

Après la fin de la guerre des Dix Ans (1868-1878), dite aussi guerre de 68, ou Grande guerre, première tentative de Cuba pour obtenir son indépendance qui se solda par le maintien de la présence espagnole à Cuba, José Marti s’associe à Maximo Gomez et Antonio Maceo Grajales pour planifier la guerre d'indépendance cubaine. Il voyage à travers les Amériques pour rallier du soutien à la révolution. Il passe beaucoup de temps entre le Cap-Haïtien et Monte Christi, en République Dominicaine, pour planifier le retour à Cuba. La Charte de Monte Christi définit les objectifs de la révolution et a été préparée de concert avec Maximo Gomez.

En 1892, il fonde le Parti révolutionnaire cubain. À partir de 1894, José Marti voyage sans arrêt, courant de New York à Mexico, publiant des articles révolutionnaires, mettant au point un plan d'invasion, malheureusement les autorités américaines séquestrent armes et bateaux.

Ainsi, fondateur du Parti Révolutionnaire Cubain, il est considéré à Cuba comme un Héros; le plus grand Martyr et l'Apôtre de la lutte pour l'Indépendance cubaine, célébré et honoré dans son pays, connu dans les milieux progressistes et littéraires de l'Amérique Latine au même titre que Bolivar, Sucre et Miranda. Le régime mis en place par Fidel Castro se réclame officiellement de sa pensée.

José Marti et le Cap-Haïtien

Juan Diego Nusa Peñalver* commente ainsi dans ses Lettres de Cuba les séjours de José Marti au Cap-Haïtien:

…il n'y a pas de meilleur hommage au Maître que d’avoir le privilège de suivre ses empreintes dans l'histoire, son passage au Cap-Haïtien – la ville généreuse qui l’a accueilli -, pour sentir, même pour un instant, les souffrances et les rêves de l’Homme de La Edad de Oro et d'exalter sa mémoire. Ce qui fut la capitale de la possession française de Saint-Domingue (l’actuelle Haïti) est maintenant une petite ville portuaire, fourmillante (avec 180 000 habitants) et est très vitale. Ses rues étroites, coupées par des angles aigus, suivent le tracé de la ville coloniale.

José Martí est arrivé pour la première fois dans cette ville, le 9 septembre 1892. Il allait à Montecristi où il espérait rencontrer le général Máximo Gomez afin de lui offrir la direction militaire de la Guerre Nécessaire. Il a également séjourné dans cette ville en juin 1893 et en février 1895.

C’est précisément les détails des mois fiévreux dans les républiques sœurs d'Haïti et de République Dominicaine, pour livrer finalement la guerre libératrice, que recueillie notre Héros National dans son Journal de campagne : De Montecristi au Cap-Haïtien. (3)

José Marti effectue par la suite, deux autres voyages au Cap-Haïtien. Il séjourne avec plusieurs de ses compagnons de lutte, dont Maximo Gomeznotamment, chez son ami le Docteur Ulpiano Dellunde, (représentant du Parti révolutionnaire cubain), qui habitait une maison située entre les rues 12 et 13 I. C'est d'ailleurs dans cette maison qu'il rédigea sa cinquième lettre à sa fille, Maria Mantilla, après avoir quitté la République Dominicaine, suite à l'échec par trahison début janvier 1895, du plan de débarquement grandiose à Cuba.

En janvier 1895, il rejoint le Général Maximo Gomez à Saint-Domingue où, tout en préparant un retour à Cuba publie Le Manifeste de Montecristi, appel à l'insurrection pour construire un pays libre et démocratique. Ce dernier et bref séjour, en février 1895, lui permet de s'approvisionner en armes et munitions pour ensuite s’embarquer vers Cuba, dans l’espoir de « libérer » son pays de l’occupation espagnole. En février 1895, il débarque à Cuba accompagné du Général Maximo Gomez et des soldats de Saint-Domingue et sont rejoint par le Général noir Antonio Maceo pour former l'armée des guérilleros Cubains, les Mambi. Peu de temps après son retour à Cuba, le 19 mai 1895, José Marti meurt à la bataille de Dos Rios, à l'âge de 42 ans. Il est enterré au cimetière Santa Ifigenia à Santiago, Cuba. Depuis 2016, sa sépulture se trouve à quelques mètres de celle de Fidel Castro.

La résidence de José Marti au Cap

Située à la rue 13 I, c'est une modeste maison de trois étages, peinte en blanc avec des portes et fenêtres en bleu. Elle était alors propriété de Millevoye Mercier, père de Louis Mercier. À ce propos, celui-ci dans son ouvrage, À la Reconquête de l’idéal Haïtien, une voix d’hier pour aujourd’hui et demain (p. 53) écrit ceci : C’est en Haïti que les révoltés cubains, fuyant la persécution, trouveront refuge. Le libérateur José Marti et le grand Maceo y viendront chercher du secours. Ils obtiendront le concours officieux du gouvernement et l’aide efficace de beaucoup d’Haïtiens . Et il précise dans ces notes qu'il conserve précieusement une photo offerte à son père par Marti, avant de s’embarquer pour la lutte finale et en témoignage de reconnaissance.

Maison José Marti, Rue 13 I

Lors de l’inauguration de la Place José-Marti, la délégation cubaine a eu l’occasion de visiter cette maison au Cap-Haïtien.

L’ambassadeur cubain, qui a profité pour remercier les Capois d’avoir aidé Marti a déclaré : « C’est un grand honneur d’être ici dans cette maison ». (4) Les représentants cubains ont visité quelques pièces de cette bâtisse du siècle dernier, avant de méditer devant une photo du héros cubain, précieusement gardée au salon par le propriétaire de la maison. Nous espérons voir cette maison abriter, un jour, un musée dédié à la vie et à l’œuvre de José Marti », déclare le représentant du président Raul Castro, qui se dit « impressionné de savoir que Marti y a séjourné.

Après José Marti, la coopération continue…

Le 28 janvier 2019, lors du 167e anniversaire de José Marti, une représentation des collaborateurs de la santé et de la construction de Cuba qui fournissent leurs services dans les départements du Nord et du Nord-Est, des Cubains vivant dans la ville et des amis haïtiens ont participé à un hommage rendu à José Martí au Cap-Haïtien. Étaient aussi présents, le premier secrétaire de l'ambassade de Cuba, Alexis Peña Orozco, ainsi que le directeur général de la mairie et le recteur de l'Institut des relations internationales du Cap-Haïtien (IDRI), Guercy Rosana.

Lors de cet événement, des offrandes florales ont été déposées devant le buste situé sur la Place José-Martí du Cap-Haïtien, au nom des collaborateurs et des étudiants de l'IDRI. Alicia Quiñones, la coordinatrice de la Brigade médicale cubaine du département du Nord, a également profité de l'occasion pour se joindre à la délégation.

Pour sa part, le diplomate cubain a évoqué l'amitié qui unit le peuple de Cuba et d'Haïti, en particulier le Cap-Haïtien, une ville que Martí a visitée trois fois au cours de sa lutte révolutionnaire, et où il a renforcé ses liens d'amitié avec des intellectuels de la stature de Oswald Durand et Antenor Firmin.

Accompagnant les collaborateurs de la santé, Juan Diego Nusa Peñalver, collaborateur de Gramma, organe officiel du parti, aura aussi l’occasion de visiter de la « petite maison ». Dans ses Lettres de Cuba, il dira : …

Ce modeste bâtiment de maçonnerie de trois étages, peint en blanc et aux portes et fenêtres en bleu, où, au rez-de-chaussée, se trouvait notre José Martí en 1895. La façade de la demeure a évidemment subi des transformations ; toutefois, son intérieur semble arrêté dans le temps.

Sur ses murs, alors témoins de nos désirs d'indépendance, sont accrochés seulement trois cadres ; le Sacré-Cœur de Jésus, un de défunt Pape Jean-Paul II et celui de notre Apôtre, le plus ancien et de plus grande taille. Esther Noel, âgée de 41 ans, signale au journal Granma que la résidence est une propriété familiale, dans laquelle elle vit depuis 1981 avec sa mère, madame Esperanza. Elle explique que là, avant, vivaient d’autres membres de la famille et que le cadre de José Martí a toujours présidé le mur principal du « salon », préservant cette aura de vénération profonde.

Esther Noël, professeur et avocat ajoute José Martí a été un grand Général, il a combattu pour l'indépendance de Cuba, il est venu à Haïti et il a vécu dans cette demeure, où il a rencontré certains Haïtiens et Cubains afin de continuer les plans de conspiration indépendantistes , tout en réitérant que c'est un honneur d'avoir cette photo de Martí dans la salle de sa maison.

À l'extérieur, sur la partie supérieure de la porte de la rue, une plaque de marbre attestant pour l'histoire le passage de Martí dans cet endroit. L'inscription se lit ainsi : C’est la maison de Millevoye Mercier, dans laquelle a séjourné José Martí, invité par le docteur Ulpiano Dellunde. Avril 1895. Comité haïtien pour le centenaire de la naissance de l'Apôtre, 28 Janvier 1953 ».

Cette simple plaque révèle la grande amitié entre l'auteur d’Ismaelillo et le docteur Ulpino Dellunde, un médecin cubain qui a accueilli plusieurs fois Martí chez lui et qui l’a aidé à obtenir des armes pour la guerre.

Encore aujourd’hui, nous pouvons affirmer comme le disait en 2014, Rony Mondestin, Coordonnateur Solidarité Haïti-Amérique latine-Caraïbe, lors de l’inauguration de la Place José Marti :

C'est dans cette perspective que nous travaillons inlassablement et résolument pour le renforcement et la diversification des échanges entre Cuba et Haïti. Aucune avenue ne doit être négligée ou délaissée. Totale, globale, intégrale, telle doit être la nature des relations entre nos deux peuples et nos deux pays. Jamais plus on ne séparera Haïti de Cuba! Jamais plus on ne séparera Cuba d'Haïti.

Vive la solidarité des peuples de notre Amérique

Source : Compilation Tet Ansanm pou Okap

Références

1. Rony Mondestin. Discours de Rony Mondestin, Coordonnateur Solidarité Haïti-Amérique latine-Caraïbe, 2014.

2. Échange de Tet Ansanm pou Okap avec Philippe Dodard, août 2024.

3. Gérard Maxineau. . José Marti hononré au Cap-Haïtien. Le Nouvelliste, 23 janvier 2014.

4. Juan Diego Nusa Peñalver. José Marti au Cap-Haïtien. Lettres de Cuba, 09 Septembre 2019.

5. Ambassade de Cuba en Haïti. . Ils rendent hommage à José Marti au Cap-Haïtien, 2019.