Frantz Zéphirin - «Animaliste historique» (1968-)
«Frantz Zéphirin est aujourd’hui le représentant reconnu d’une nouvelle génération de peintres, qui, à l’instar d’Hector Hyppolite dont la peinture avait sidéré Breton, intègre à son art les divinités exubérantes et la symbolique ésotérique du vaudou. Artiste des mondes infra-marins et des grandes plongées historiques, il développe une peinture peuplée d’un ballet d’animaux sauvages, où le Baron Samedi et la Grande Brigitte, esprits des cimetières dans le culte vaudou, croisent les figures mythiques de l’Histoire d’Haïti. » (1) (2)
Il faut un changement de mentalité. Moins de corruption. Plus d’éducation. Un vrai projet pour le peuple. (...) Tout est à repenser dans ce pays. Tant de choses à dire dans mes tableaux ! (Frantz Zéphirin)
Frantz Zéphirin est né au Cap-Haïtien, le 17 décembre 1968, d’un père architecte et d’une mère infirmière. Elevé par sa grand-mère brodeuse, tout petit, il dessinait déjà des modèles de fleurs. Ayant grandi dans un univers artistique, il a appris à lire en même temps qu’il est initié à la peinture. Frantz Zéphirin commence à peindre en 1973 en regardant travailler son oncle, le peintre capois Antoine Obin. À 7 ans déjà, il vend ses paysages, ses petits tableaux aux touristes de croisière en visite au Cap-Haïtien. A treize ans, mentant à peu près son âge, il vendait des œuvres à des galeries.
En 1983, il s'est installé pour poursuivre ses études classiques à Port-au-Prince. Il les a abandonné pour se consacrer entièrement à la peinture et s’associer à la galerie Monnin. C’est à partir de 1988 qu’il est arrivé au Centre d’Art. Très vite, il va se détacher de l'École du Cap et s'exprimer dans un style très original. Ses thèmes tirés de la Bible et de l'actualité se sont tournés vite au délire, tant son imagination est puissante, dévastatrice. Souvent, il s'est servi des animaux pour dire ses quatre vérités dans des couleurs vives qui hurlent et s'entrechoquent. C’est un style unique parmi les peintres de l'École du Cap.
Mon inspiration vient de l’actualité, de l’histoire, de la Bible, de ce qui se passe dans le voisinage. Quelqu’un veut me faire du mal ? Je me venge en tableau, je le peins en gorille… Ce n’est pas la peinture qui m’importe. Je tends à aller plus loin dans le fantastique et dans la technique. Je veux faire quelque chose d’extraordinaire. Il n’y a pas de limites.(3)
Ses peintures sont ainsi inspirées de l’histoire, de la politique, de l’environnement, de la Bible et de la culture créole haïtienne; le vaudou d’Haïti. Son travail est immédiatement reconnaissable par les caractéristiques de ses peintures : des couleurs vives avec des motifs complexes, des compositions très compressées sur des figures humaines à têtes animales sauvages ou domestiques, de personnages mystiques, de mondes parallèles. Frantz Zéphirin ironise le monde en caricaturant les hommes notamment de la classe dirigeante du pays. Non sans cynisme, il se décrit comme un « animaliste historique ». Contrairement à de nombreux peintres haïtiens, il attribue généralement un titre à ses peintures.
Rapidement son talent est reconnu à l’étranger. En 1994, il a reçu le Prix Suisse et le prix Europe de la peinture primitive moderne à Kasper Pro Arte, Morges, en Suisse. En octobre 1996, il a reçu la médaille d'or de la troisième Biennale de peinture des Caraïbes et d'Amérique centrale, parrainée par le Musée d'art moderne de la République dominicaine. Ce concours réunissait 144 artistes de 37 pays de la région. Frantz Zéphirin a été aussi l'un des cinq peintres haïtiens à être inclus dans la V Biennale à Cuenca, Équateur en 1996. Deux de ses œuvres sont présentées dans la magnifique exposition Arts sacrés du vaudou haïtien qui a fait une tournée aux États-Unis en 1997 et 1998. L'une d’entre elles a figuré sur la couverture du best-seller The Immaculate Invasionde Bob Shacochis. Les œuvres de Frantz Zéphirin ont été incluses par l'American Visionary Art Museum (Baltimore) dans les expositions, Holy H20 en 2005 et Home & Beast en 2006-2007.
Frantz Zéphirin a échappé de justesse à la mort lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Selon un article du Monde, (« Haïti, les peintres de l'espoir » (Haïti, Peintres de l'espoir), par Annick Cojean, 13 février 2010) (4) il a répondu au séisme, comme à d'autres calamités, en peignant : Il s’est mis à peindre fiévreusement, immédiatement après le séisme, pour exprimer l'horreur dont il avait été témoin. Au lendemain de la catastrophe, Zéphirin a apporté un tableau au galeriste Michel Monnin ; sans aucun doute, souligne l'article, le premier tableau réalisé après le tremblement de terre.
En septembre 2010, il a fait la première de couverture du Smithsonian Magazine traitant du sauvetage des biens culturels haïtiens après le séisme du 12 janvier 2010. Ses tableaux ont aussi fait la une de plusieurs autres magazines prestigieux : Le Temps, le New York Times, le Monde, le Wall Street Journal, le Los Angeles Times, le Times of London, le Guardian et la BBC – diffusés sur son site Web. Très affecté par le tremblement de terre, Zéphirin partage désormais ses visions d'un monde violemment transformé. Son tableau, La Résurrection des Morts a été l'image saisissante choisie pour la couverture du 25 janvier 2010 du magazine américain New Yorker.
Dans ses peintures «se penchant sur la catastrophe, les esprits et les dieux, frappés [par l'événement], se rencontrent, se connectent et fusionnent pour trouver une solution au problème d'Haïti». (5). Zéphirin est convaincu que le tremblement de terre peut agir comme un catalyseur pour produire un changement profond et positif. Par ses oeuvres, il a tenté également de transmettre un message sur la valorisation des richesses écologiques et la lutte contre la déforestation. Il a souligné à travers ses peintures que pendant que les maisons et les bâtiments s'effondraient, les arbres sont restés intacts et ont résisté.
De mars à mai 2010, Zéphirin a participé à l'exposition, Haïti Art Naïf: Memories of Paradise au Centre d'art Denkmalschmiede Hofgen à Gimma, Saxe, Allemagne. Une partie des ventes des œuvres de Zéphirin a été versée à l’aide humanitaire en Haïti.
En 2013-2014, il a participé à l’exposition Aquatopia The Imaginary of the Ocean Deep aux ateliers Sahm à Brazzaville dans le cadre d’une résidence artistique.
En 2018, Frantz Zephirin, a reçu une commande du Festival International de Piano d'Haïti pour l'inauguration de la seconde édition en novembre 2018. Il a ainsi donné une seconde vie au piano Pleyel de la Résidence de France en Haïti détruite pendant le séisme de 2010.
Quelques unes des oeuvres de Frantz Zéphirin.
Les tableaux de Frantz Zéphirin font partie des collections des musées internationaux comme l’Afrika Museum, de Berg-en-Dal, Pays-Bas et du Waterloo Museum.
Frantz Zéphirin fait partie des 213 artistes de 58 pays qui sont invités à participer à l'Exposition Internationale de la 59ème Biennale de Venise (Pavillon Central et Arsenale) du 23 avril au 27 novembre 2022. Deux autres artistes haïtiens y sont aussi invités : Myrlande Constant et Célestin Faustin.
Expositions récentes de Frantz Zéphirin :
Expositions individuelles
- 2011 : « Le paradis, le purgatoire, et l’enfer » Haitian-Art-Company, Key-West, États-Unis.
- 2010 : « Souvenir d’un Paradis », DenkmalschmiedeHofgenGallery, Kaditzsch, Allemagne.
- 2010 : « There is No Limit", Haitian Art Company, Key West, États-Unis.
- 2010 : « Haiti Art and resilience » Indigo Gallery , Philadelphie, États-Unis ( Expo solo).
- 2006 : « Les visions du peintre hougan Frantz Zephirin », Centre d’art haïtien Espace Loas, Nice.
Expositions collectives
- 2013-2014 : «Aquatopia The Imaginary of the Ocean Deep» aux ateliers Sahm, à Brazzaville.
- 2011 : « Le nouveau Monde de l’art haïtien » par les artistes Frantz Zéphirin, Jean Adrien Seïde et Lucien Morisset. Musée de Saint -Paul-de-Vence, France, organisé par le Centre d’art haïtien, Espace Loas.
- 2011 : « Frantz Zephirin et Prefete Duffaut » GrassiMuseum, Leipzig, Allemagne
- 2011 : « Des arts premiers à l’art contemporain », Espace culturel de Théoule-sur-Mer, France, organisé par le Centre d’art haïtien, Espace Loas.
- 2010 : « Haiti Art-Naif ,souvenir d’un Paradis » Denkmalschmiede Hofgen Gallery (Allemagne)
- 2010 : « Célébrer Haïti », dans le cadre du Festival Étonnants Voyageurs , Palais du Grand Large, Saint-Malo, France, organisé par le Centre d’art haïtien, Espace Loas.
- 2009 : « Le dernier voyage d’André Malraux en Haïti », Musée du Montparnasse, Paris, France. Prêt de toiles par le Centre d’art haïtien, Espace Loas.
- 2009 : “Roots & More ». Afrika Museum, Berg en Dal, Hollande 2008 : Galerie Monnin, Pétionville, Haïti
- 2008 : « L’Univers fantastique de Frantz Zephirin, Ambassade de France, Santo-Domingo, République-Domicaine
- 2007 : American Visionary Art Museum,Baltimore, États-Unis
Source : Compilation Tet Ansanm pou Okap
Références
(1) : ZÉPHIRIN Frantz, Haïti. Peintre en résidence aux ateliers Sahm à Brazzaville.
(2)Frantz Zéphirin est aussi un prêtre vaudou qui vit et travaille dans son temple, « Le Temple des Sept Vierges », haut sur une montagne surplombant Mariani, à l’extérieur de Port-au-Prince.
(3) Michèle Grandjean. Artistes en Haïti, Cent parmi d’autres, 1997.
(4) Annick Cojean, Les peintres de l'espoir dans Le Monde, 13 février 2010.
(5) Haitian artists react to earthquake through paintings . La réaction de plusieurs peintres après le tremblement de terre de 2010.
(6) Marcus Rediker, Motley Crews and the Crucible of Culture : The Art of Frantz Zéphirin . Découvrez l'art de Frantz Zéphirin.
(7) Nous vous invitons à découvrir le monde de Frantz Zéphirin sur le site de la Galerie Monnin.