Excerpt: Il vaut la peine de vous présenter ce personnage presque mythique que fut Henry Christophe. Certains d’entre vous ont peut-être en tête le film Royal Bonbon du réalisateur Charles Najman, qui eut l’honneur au printemps dernier d’ouvrir les dix neuvièmes Journées du cinéma africain et créole à Montréal.
Poème cinématographique plus qu’un film historique, cette réalisation où notre compatriote Dominique Batraville tenait avec brio le premier rôle, par son côté à la fois Don Quichotte et en même temps d’un mysticisme pseudo historique, pour les non-initiés, pourrait faire passer le Roi Christophe pour un illuminé, tenant à la fois du personnage faustien et du zombi, comme l’écrivait dans La Presse le critique Luc Perrault. Mais le vrai personnage est tout autre, à la fois visionnaire, bâtisseur de nation et meneur d’hommes.
En 1777, après la conquête de la Grenade et de Saint-Vincent, le comte d’Estaing arrive au Cap-Français pour enrôler des affranchis qu’il menait combattre contre l’Angleterre aux côtés de Lafayette et de Georges Washington, pour la guerre de l’Indépendance américaine. En 1779, Christophe, âgé alors de seulement 12 ans, s’y enrôla avec quelques 800 autres noirs et mulâtres affranchis. En 1789, au moment de la Révolution française, il entre dans un régiment d’artillerie colonial comme premier canonnier. En 1793, il est capitaine d’infanterie. Par la suite, il s’établit au Cap-Français...
....Après Jeannot et Thérèse et d’autres œuvres du même genre de Clément, on relève un autre opéra en vaudeville, composé par le comte De Rosiers, qui fut représenté au palais de Sans-Souci en 1811. Intitulé L’Entrée du Roi à Sans-Souci, cet opéra met en scène les talents musicaux dont est pourvu le royaume de Christophe et comporte une infinité d’indices sur la formation des musiciens et chanteurs à l’Académie du Cap.
C’est une sorte d’opéra mis en abyme, c’est-à-dire qui représente la naissance de l’œuvre donnée en spectacle, par la mise en relief des aptitudes musicales des personnages, par l’appréciation de leurs interprétations, à la manière du petit chef-d’œuvre italien de Domenico Cimarosa (1749-1801), Il maestro di Capella (« Le maître de chapelle »).
L’Entrée du Roi, du comte De Rosiers, comporte des airs en français et en créole selon l’ascendance sociale des personnages. On peut se figurer ainsi que l’Académie de musique du Cap recevait les postulants non pas en tenant compte de leur appartenance sociale mais en évaluant leur talent comme la coutume s’était avérée rentable durant la colonie. Ainsi s’expliquait d’ailleurs, sous le régime français, la présence de violonistes noirs à l’orchestre. Dans le même sens, Les Affiches américaines signalent un nombre important d’esclaves musiciens entrés en marronage et activement recherchés...