Dans le contexte de l’opération de nettoyage en cours au Cap-Haïtien, il ne faut pas perdre de vue l’importance d’une réelle politique, à long terme, de gestion des déchets qui permettrait de ne plus se trouver dans la situation que la ville peine à corriger. C’est en ce sens que nous proposons l’article suivant pour soutenir la réflexion sur les défis de la ville en cette matière. Elle nous semble d’autant pertinente que dans les dernières années, le Cap-Haïtien s’est vu octroyer un don de la BID pour la gestion des déchets (Note de la rédaction)
Selon le rapport de la 1re réunion du comité des experts de l'environnement tenue en 1950, et selon l’OMS (Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement 1987), tout programme d'assainissement inclut obligatoirement le contrôle des éléments suivants :
- approvisionnement public en eau potable
- évacuation des excréta et des eaux usées
- élimination des déchets (immondices) et des vecteurs de maladies
- conditions de logement
- aliments et leur manipulation
Dans toute agglomération, la prise en charge de l’ensemble de ces éléments relève du gouvernement municipal, qui est le palier le plus proche de la population. Or, nous constatons que la ville du Cap-Haïtien n’arrive pas à assumer ces lourdes responsabilités, faute de moyens. Il est vrai que la perception fiscale est déficiente au niveau local et que les transferts du gouvernement central sont pratiquement inexistants. Mais une gestion plus dynamique de la Ville pourrait faire appel à la participation citoyenne pour atténuer certains problèmes. Cependant, le travail d’un grand programme d’assainissement est colossal et exige un engagement sans relâche de toutes les forces vives de la société.
À l’occasion du 350e anniversaire de sa fondation, la ville du Cap-Haïtien, si elle veut renaître de ses cendres, aurait intérêt à se pencher sans tarder sur tous ces points d’importance capitale. Les défis à relever sont nombreux et tous prioritaires. Mais elle pourrait commencer par la gestion des déchets solides qui ternissent son image.
Dans les années 1950, la Ville avait une population d’environ 50 000 habitants. Les infrastructures suffisaient à peine. Actuellement, la population est évaluée en 2015 à environ 274 000 habitants selon l’Institut de statistiques et d’informatique, lors du dernier recensement. La vétusté, l’insuffisance des infrastructures, le manque d’éducation éco-citoyenne de la population et le déficit en savoir des gestionnaires ont condamné à l’échec toute tentative de solution. Le SCRS (Service de collecte des déchets solides) n’a ni politique de gestion des déchets, ni ressources humaines et matérielles suffisantes.
Conséquences inévitables, les problèmes environnementaux sont nombreux au Cap-Haïtien avec de graves répercussions sur la ville entière.
Au Cap-Haïtien, 220 tonnes métriques de déchets sont produits par jour. Dans le meilleur des cas, ils devraient finir à la décharge. La Ville n’en a pas. Le ramassage n’étant pas régulier, ils se retrouvent le plus souvent abandonnés dans la rue, dans les caniveaux, dans les ravines. Cette situation, en dehors de l’aspect esthétique, favorise la prolifération d’infections et de maladies. Quand il pleut, ces ordures bouchent les canaux d’évacuation avec les conséquences que l’on connait. La Ville a déjà été touchée par plusieurs inondations. Les ravines, les caniveaux obstrués ne permettent pas l’écoulement des eaux de ruissellement.
DÉFI: Gérer les déchets en tenant compte de l’explosion de la population et du manque de moyens de la Ville.
SOLUTIONS:
- Mettre en place un réseau de collecte décentralisé qui récupère la matière organique (déchets alimentaires) pour fabriquer de l’engrais (compost).
- Mettre sur pied un programme de formation et d’éducation pour une participation des citoyens.
AVANTAGES :
- La notion de collecte décentralisée offre l’avantage d’une prise en charge collective grâce à la notion d’appartenance. (NÈG BANDE DU NORD/NÈG TI GINEN /NÈG CARÉNAGE/NÈG ANBA RAVINE, NÈG LA FOSSETTE, NÈG HAUT-DU-CAP, etc.). Le citoyen sera plus sensible à son bien-être (se KATYE ‘M).
- Avec un nombre restreint d’habitants, les équipements seront plus légers, plus mobiles et plus facilement disponibles (brouettes/pelles/gants/bottes etc.) au lieu de camions-bennes coûteux et non opérationnels la majeure partie du temps (crevaisons/panne d’essence/autres bris mécaniques, etc.)
- La Ville n’a qu’à fournir des terrains vacants bien situés pour le compostage ou pour le dépôt temporaire des déchets organiques en attendant le ramassage dans un délai acceptable vers un dépotoir central.
- Le programme d’éducation devra comporter les points suivants :
a) Faire comprendre que 65% de ces déchets solides sont organiques (déchets alimentaires) et que la matière organique se décompose rapidement. Si leur décomposition n’est pas contrôlée, ils deviennent très vite malodorants. Ils seront ensuite particulièrement attractifs pour les mouches qui viendront pondre leurs œufs.
b) Faire comprendre que cette matière organique décomposée dans des conditions contrôlées sera transformée en engrais. Il suffit d’apprendre comment cela se fait. Cela évitera des problèmes de BOUCHE NEN et de prolifération de maladies.
c) Faire comprendre qu’une séparation des matières organiques (qui sont compostables) des autres matières - métaux, vitres - (qui ne sont pas compostables), va faciliter le ramassage et la transformation.
Quoiqu’il arrive, la ville du Cap-Haïtien a urgemment besoin d’une décharge pour les déchets non organiques, qui en cas d’extrême nécessité pourrait recueillir le surplus des déchets compostables.
La collecte de porte-à-porte à l’échelle du quartier peut exiger un petit montant par mois/foyer pour le nettoyage des rues.
Le compost, qui est semblable à de la terre, est un engrais biologique. Il peut être utilisé en agriculture. Il peut servir à combattre l’érosion des terres. Les notions de fabrication sont simples.
Pour en savoir plus long sur le compostage, nous vous proposons les références suivantes:
Michel Mustin, Le Compost, gestion de la matière organique. Paris, Éditions Dubusc, 1987.
F.A.O., Soil Management: Compost production and use in tropical and subtropical environments. Bulletin No 56, 1987.
The Biocycle Guide to The Art & Science of Composting. The JG Press.inc, Emmaus, Pennsylvania, 1991.
Comment faire du compost chez soi. Les Publications du Québec, 1991.
Nature-Action, Promotion du Compostage Domestique. Québec, 4e édition, 1995.
SUCO –HAITI, Djakout Peyizan : Angrese Tè a, Liv 10. 2003.
Marie-Annie Blackburn Lefebvre, Le compostage communautaire : Est-ce une alternative avantageuse pour la ville de Gatineau? Sherbrooke, Université de Sherbrooke, 2010.
Source : J. M. Antonio Miguel, Gatineau, Québec 2020
Pour en savoir plus long sur le don de la BID au Cap-Haïtien, nous vous invitons à consulter l'article : Don de 33 millions pour la gestion des déchets solides en Haïti.