Le Monastère des Carmélites au Cap-Haïtien (Compilation Tet Ansanm pou Okap)

Cet article illustre non seulement l'évolution du monastère des Carmélites au Cap-Haïtien, mais aussi l’importance de la présence contemplative dans un pays en développement, dont les religieuses ont cherché à vivre en harmonie avec les défis spirituels et sociaux d'Haïti. (Note de la rédaction)
L’histoire du Monastère de Marie-Immaculée, un site spirituel majeur du Cap-Haïtien, trouve ses racines dans les aspirations profondes de Mgr Kercusan, évêque du Cap-Haïtien. Celui-ci rêvait de voir une image de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours élevée sur une hauteur qui dominait la ville, un symbole visible de l’invitation à la prière. Ce rêve s’est concrétisé en 1959, avec la fondation d'un Carmel au Cap-Haïtien, bien qu'il ait évolué d'une manière différente de ce qu'il avait imaginé, notamment par l’arrivée des moniales Rédemptoristines, qui ont pris la relève des Carmélites en 1976.
La fondation du Monastère des Carmélites
Le projet de fonder un Carmel au Cap-Haïtien est né des efforts de Mgr Cousineau, évêque du Cap-Haïtien. En 1958, il s'est tourné vers le Carmel de Brooklyn, à New York, pour solliciter l’aide des religieuses, espérant établir une présence contemplative dans son diocèse. Après plusieurs démarches et la résolution de défis logistiques, notamment la barrière linguistique, le projet a pris forme. Ainsi, au printemps de 1959, les premières Carmélites arrivèrent en Haïti. Elles logèrent temporairement à la Solitude Notre-Dame, un lieu mis à disposition par les Pères de Sainte-Croix, en attendant la construction de leur monastère permanent.
Les travaux débutèrent en février 1960 et se terminèrent en novembre 1961. Le 17 novembre 1961, une première messe fut célébrée dans les nouveaux bâtiments. Le 8 décembre suivant, lors de la fête de l’Immaculée Conception, le monastère fut officiellement inauguré et mis en clôture. Ce fut un moment de grande joie, marquant la dévotion du Carmel à Marie-Immaculée. Le Monastère est situé à la rue 3, L-M; on y a accès par une route qui part derrière l’Église du Sacré-Cœur.
Au départ, le Carmel comptait huit religieuses de nationalités diverses : haïtienne, portoricaine, américaine, et française. Ce mélange de cultures visait à créer un monastère qui reste enraciné dans les valeurs et les réalités d'Haïti tout en conservant l’esprit de la vie contemplative. L'idée était de permettre aux jeunes filles haïtiennes d'embrasser la vocation sans quitter leur terre natale, dans le respect de leurs traditions culturelles et spirituelles.

L'évolution du Monastère de Marie-Immaculée au Cap-Haïtien
L'engagement des Carmélites
Au fil des années, la situation du monastère du Cap-Haïtien s'est complexifiée. En 1968, le nombre de religieuses avait fortement diminué, ne comptant plus que six membres, dont une religieuse haïtienne. Face à cette situation, Mgr Cousineau a sollicité du renfort auprès des communautés religieuses du Canada. Lors d'une rencontre des moniales au Québec, il fit appel à Sœur Hélène de la Croix, une religieuse du Carmel de Trois-Rivières, bien préparée et connaissant la culture haïtienne.
Soeur Hélène éprouve du chagrin de quitter ses sœurs religieuses ainsi que sa famille qui la visite régulièrement Mais elle est heureuse de partir se dévouer et prier dans un pays où on parle français et où elle aura l'occasion d'aider et d’initier de jeunes Haïtiennes à la vie contemplative, afin de mer un Carmel vraiment tien. Le 3 novembre1968, une messe solennelle marquera son départ et réunira sa famille et les invités de la communauté. Et la petite Carmélite trifluvienne s'envolera vers l’ile ensoleillée, faisant escale à New York Là-bas, elle nous apporte tous dans son cœur Extrait du Nouvelliste de Trois-Rivières, 9 octobre 1968, p.2.
Sœur Hélène se rendit au Cap-Haïtien, permettant ainsi au monastère de continuer à se développer. Lors d'une de ses visites au Québec, elle partagea sa vision de sa mission : Pour elle, silence, prière, pauvreté, dépassement, voilà notre apostolat missionnaire au Cap Haïtien. Nous portons dans notre cœur de priantes, tout Haïti: ses rêves, ses souffrances, ses espoirs, son quotidien en un mot. Sœur Hélène de la Croix resta au Cap jusqu'en 1975.
Le passage aux Rédemptoristines
Pour des raisons de santé et de vieillissement, les Carmélites quittèrent le Cap-Haïtien après seize ans de service. En 1976, les Rédemptoristines prirent la relève. Sous la direction de Mère Marie-Ange, trois religieuses d'origine asiatique se joignirent à la communauté :
- Sœur Maria-Julia Céleste, originaire du Vietnam, arriva au Cap-Haïtien le 1er décembre 1976.
- Sœur Marie de la Trinité, née à Tokyo, rejoignit le monastère le 15 novembre 1976 et y resta jusqu'en 1983.
- Sœur Marie-Rose, également originaire du Japon, célébra en 2016 ses 40 ans de service au Cap-Haïtien.


Les Rédemptoristines poursuivirent la mission spirituelle entamée par les Carmélites, soutenant l'œuvre du salut et diffusant la dévotion à Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours.
Un nouveau chapitre avec Sœur Hélène Marchand
En 1986, l'évêque d'Haïti chercha une religieuse capable d'assumer les responsabilités de gestion du cloître du Cap-Haïtien. Il fit appel à Sœur Hélène Marchand, qui accepta la mission et arriva au monastère à la fin de l'année 1986. Elle en devint rapidement la prieure.
Lors d’une de ses visites au Québec, Sœur Hélène a partagé sa vision de sa mission. Pour elle, la vie des Carmélites était un témoignage de prière silencieuse, de pauvreté et de dévouement. L’une de ses grandes joies en tant que carmélite était de prier pour tout le peuple d’Haïti. Elle soulignait l’importance de la présence des carmélites comme témoignage de la pauvreté, de la prière et de la charité, ainsi que comme un soutien silencieux mais puissant à la mission de l’Église.
Le monastère aujourd'hui
Perché sur les hauteurs du Cap-Haïtien, le Monastère de Marie-Immaculée demeure un symbole vivant de l'engagement spirituel des Carmélites et des Rédemptoristines. Aujourd'hui dirigée par Sœur Marie-Claude Péan, prieure, la communauté monastique perpétue sa mission avec ferveur. Ses membres sont : • Sœur Marie-Claude Péan, prieure (née en 1957, entrée au couvent en 1987) • Sœur Hélène Marchand (née en 1926, entrée au couvent en 1956) • Sœur Mikiko Iimura [Marie-Rose] (née en 1940, entrée au couvent en 1966) • Sœur Tulie Rameau [Marie-Tulie] (née en 1966, entrée au couvent en 1992) • Sœur Wilta Fabien (née en 1968, entrée au couvent en 2006) • Sœur Marie-Pascale Baptiste (née en 1965, entrée au couvent en 2011)
Le 14 mai 2016, le monastère a célébré un événement marquant : le jubilé d'or de Sœur Mikiko Iimura ou Sœur Marie-Rose de Jésus Hostie, O.Ss.R., qui a consacré quarante années de sa vie au service de la communauté haïtienne. Cette cérémonie solennelle, présidée par Monseigneur Max Leroy Mésidor, archevêque métropolitain du Cap-Haïtien, a réuni religieux, fidèles et membres de la congrégation rédemptoriste, tous venus rendre hommage à son engagement exemplaire.

L'office, empreint d'une intense ferveur spirituelle, a rassemblé confrères rédemptoristes, prêtres des paroisses voisines, religieuses de la région et une vaste assemblée de fidèles. Ensemble, ils ont rendu grâce et exprimé leur gratitude pour l'œuvre accomplie par Sœur Marie-Rose au sein de la communauté.
Cependant, malgré cette vitalité spirituelle, les Rédemptoristines font face à des défis considérables. Construit en 1960, le monastère présente aujourd'hui des problèmes structurels préoccupants. De plus, la pollution environnante et la bidonvilisation du Morne nuisent gravement à la santé et à la quiétude des religieuses, mettant en péril leur quotidien. À cela s'ajoute une incertitude majeure : l'archevêché du Cap-Haïtien, propriétaire des lieux, envisage de récupérer la propriété. Dans ce contexte, la construction d'un nouveau monastère apparaît comme une nécessité impérative pour préserver la mission des Rédemptoristines.
Conclusion
Bien que les Carmélites aient quitté le Cap-Haïtien en 1975, leur héritage spirituel demeure intact. Ce sanctuaire de dévotion continue de refléter, sous une autre forme, la vision de Monseigneur Kercusan : un lieu de prière et de contemplation dédié à Marie.
Les Rédemptoristines, dans la lignée des Carmélites, poursuivent leur mission de soutien à l'œuvre du salut par la prière et le sacrifice. Elles perpétuent également la dévotion à Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, une tradition initiée en 1855, lorsque le pape Pie IX confia cette image à la congrégation de Saint Alphonse de Liguori. Grâce à elles, le Cap-Haïtien demeure un lieu incontournable de recueillement et de foi.
L'histoire du monastère illustre avec force la persistance d'une vocation missionnaire en Haïti, malgré les crises successives qui frappent le pays. Son avenir repose sur la capacité de la communauté à surmonter les défis actuels, afin d'assurer la continuité de cette présence spirituelle essentielle.
Compilation Tet Ansanm pou Okap
Références
1. J.-M. Jan, Le Cap-Haïtien, 1860-1966. Documentation religieuse, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1972, pp. 183-184.
2. Sœur Hélène de la Croix. La louange du Seigneur – Le monastère du Cap-Haïtien. Le précurseur : bulletin des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée -conception, juillet-aout 1972, pp 102-103.
3. Le Canada Français, 23 juin 1999, cahier 1, p.A30
4. Roy, Claire. Les Carmélites sont aussi missionnaires. Le Nouvelliste (Trois-Rivières, Canada), 9 octobre 1968, p.2.
5. Les Rédemptoristes en Haïti. (1966-2016), 50 ans de profession religieuse.