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Marc Péan, un passionné de l'histoire du Cap-Haïtien

Marc Péan est né le 4 mai 1931 au Cap-Haïtien, fils de Cécile Eyma et Hullin Péan. De cette union, naissent 11 enfants dont 3 meurent en bas âge; Marc est le 6ᵉ de la fratrie de huit enfants qui a survécu (six garçons et deux filles). Après des études primaires à l’École des Frères de l’instruction chrétienne et secondaires au Lycée Philippe-Guerrier, il complète sa terminale au Lycée Pétion de Port-au-Prince, où il obtient son baccalauréat.

Il entreprend en même temps, des études en sciences humaines (sociologie et psychologie) et en art dentaire à l’Université d'État d’Haïti. Diplômé en odontologie, il revient au Cap-Haïtien et y installe son cabinet de dentiste, d'abord à la rue 7, puis à la rue 12 E. Le 12 août 1961, il épouse Adeline Lebreton à l’Église Saint-Yves de Delmas, à Port-au-Prince. De cette union naîtront trois enfants : Henri, Pascale et Dominique.

Vie personnelle et engagements sociaux

Tout en exerçant son métier de dentiste, Marc Péan nourrit une passion marquée pour l’histoire et se consacre à la recherche, en particulier sur la vie sociale et politique du Cap-Haïtien. Homme simple, peu enclin aux mondanités, il est décrit comme un « bon vivant », «audienceur» et cultivé, lecteur assidu de romans policiers, avec une prédilection pour Agatha Christie, Exbrayat, Red Stout mais surtout James Hadley Chase. Il s'intéresse à la politique internationale et il fréquente régulièrement la Librairie des Jeunes et la Librairie du Sacré-Cœur, où arrivent ses abonnements aux journaux et revues internationales, Nouvel Observateur, Le Monde, Le Monde Diplomatique,, L’Express, Le Canard enchaîné et Les Temps modernes.

Marc Péan est également un homme de famille, proche de son épouse et de ses enfants. Amoureux de la mer, il fréquente avec sa famille, souvent plusieurs fois par semaine et religieusement tous les dimanches, les plages locales souvent appelées Bains privés, sur la route vers Rival.

Sympathique, amis et aimés de tous, il est fréquemment choisi comme parrain de noces et ses filleuls ne sont comptaient plus. Attaché à la vie locale et consensuel, il évite la politique partisane, préférant s’investir dans la vie associative. Il est membre de plusieurs associations caritatives et cercles culturels du Cap-Haïtien et signe des prises de parole publiques pour la Société de Secours Mutuel La Prévoyance (fondée en 1924). Il s’engage également dans des projets concrets, comme le nettoyage et l’assainissement de la Ravine Belle Hôtesse, un canal urbain régulièrement sujet aux débordements. Dans les années 1970, il s'investit également dans des projets économiques, notamment avec son frère Vergniaud Péan, le Père Yvan Joseph, directeur de l’IDEA, dans le développement dans l'Usine sucriere artisanale de Milot (USAM), une usine artisanale de production de sirop de canne sur la route de Milot.

Il est, pendant de longues années, attaché à l'hopital Justinien à titre de dentiste régional. À cette même^époque, il est professeur de sociologie haïtienne à l'École des infirmières aisi qu'à l’Institut Diocésain d’Éducation des Adultes (IDEA).

Historien du Cap-Haïtien

Marc Péan est reconnu pour ses contributions majeures à l’histoire du Cap-Haïtien et d’Haïti. Son approche repose sur l’exploitation de sources peu utilisées : revues locales, écrits d’auteurs contemporains, archives municipales et correspondances. Il complète ses recherches par des rencontres et entrevues avec des acteurs historiques, développant ainsi une compréhension sociologique qui enrichit ses analyses des dynamiques sociales, politiques et économiques.

La série « 25 ans de vie capoise

L’illusion héroïque : 25 ans de vie capoise, 1890-1915 (1977, tome 1 : 1890-1902)

Le premier tome examine en profondeur la société capoise, mettant en lumière les dynamiques sociales, économiques et politiques. Péan détaille l’inauguration du marché Clugny en 1896, symbole de modernité, et la création de l’École libre de droit. Il évoque également la vie culturelle, comme les bals masqués du Mardi Gras. Cet ouvrage reçoit le Prix Henri-Deschamps en mai 1977.

L’échec du firminisme*(1984, tome 2)

Ce tome analyse la chute du mouvement firministe, qui prônait la modernisation politique et sociale d’Haïti sur les idées d’Anténor Firmin. En s’appuyant sur des sources locales peu exploitées, Péan décrit les tensions politiques de mai à décembre 1902, offrant un portrait nuancé des luttes de pouvoir de l’époque. L’ouvrage reçoit le Premier Prix de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie. Georges Corvington, éminent historien haïtien, le considère comme le meilleur ouvrage jamais écrit sur Anténor Firmin.

Crédit- photo Edouard Bernardin

La ville éclatée : décembre 1902-juillet 1915 (1993, tome 3)

Le troisième volume explore les bouleversements sociaux, politiques et économiques du Cap-Haïtien, abordant des sujets comme le mouvement anti-vodou des années 1890, avec la formation en 1896 de « La Ligue Contre le Vaudou », ainsi que des institutions locales comme l’association « Cœurs-Unis des Artisans » (C.U.A., fondée en 1870), qui promeut solidarité et entraide parmi les artisans.

Anecdotes et vie locale

Marc Péan illustre l’histoire par des détails vivants : les bals masqués du Mardi Gras, les bains privés du dimanche, la vie des associations locales et les initiatives citoyennes pour assainir la ville. Il raconte également les projets économiques et éducatifs qu’il a soutenus, donnant vie au Cap-Haïtien de cette époque.

Impact et héritage

Marc Péan décède le 20 juin 2002, laissant un héritage historique considérable. Sa méthodologie rigoureuse, son approche microhistorique et sa capacité à donner voix aux acteurs souvent oubliés font de son œuvre une référence incontournable pour l’histoire capoise et haïtienne. Ses recherches éclairent les dynamiques sociales, politiques et culturelles de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle, enrichissant la compréhension des réalités locales souvent absentes des récits nationaux. Il est la source d'inspiration de la Société capoise d'histoire et de protection du patrimoine, nous souligne le président actuel, Émile Eyma.

Grâce à ses travaux, Marc Péan contribue à la préservation et à la valorisation du patrimoine historique du Cap-Haïtien. Ses travaux restent une ressource précieuse pour étudiants, chercheurs et passionnés d’histoire, et mettent en lumière l’importance de la mémoire locale dans la construction de l’histoire nationale tout en leur offrant une ressource essentielle sur la première république noire du monde.

Notes

Nos remerciements pour les propos recueillis auprès d’Émile Eyma, président de la Société capoise d’histoire et de protection du patrimoine et auprès des filles de Marc Péan, Pascale Péan-Étienne et Dominique Péan-Morency.

Crédits-photos : Michèle Péan Guerrier

Compilation Tet Ansanm pou Okap

Références

1. Péan, Marc. L’illusion héroïque : 25 ans de vie capoise, 1890-1915. Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1977.

2. Péan, Marc. L’échec du firminisme mai-décembre 1902 T. II Port-au-Prince : H. Deschamps, 1984, 140 pages.

3. Péan, Marc. La ville éclatée. Éditions Henri-Deschamps, Port-au-Prince, 1993.