Skip to main content

Organisation de la santé au Cap-Haïtien 1890 – 2020 (Lita Béliard)

Dans le cadre du 350ième anniversaire, nous faisons un bref historique de l’organisation de la santé au Cap-Haïtien.

Rappel historique

Dans la ville, la principale institution est l’Hôpital universitaire Justinien qui dessert tant les résidents de la ville que les résidents des régions limitrophes. Dans son livre publié en 1967, le Dr Constant André relate les étapes de l'évolution de l’hôpital de 1890 jusqu'en 1966. Ce présent historique puise les informations de ce document digne de foi. (1)

Comme dans la plupart des pays, l'institution a été d'abord sous la gouvernance d’une communauté religieuse, dans ce cas-ci, ce fut la Congrégation des Filles de la Sagesse. Pendant 35 ans, de 1890 à 1925, l’hôpital a vécu de la charité privée, avant de passer sous la haute administration du Service National d’Hygiène.

C’est un Capois authentique du nom de Justinien Étienne qui occupait à l’époque la fonction de directeur de bureau de poste au Cap-Haïtien, qui a eu l’idée de créer un hospice pour venir en aide aux infirmes de toutes catégories qui circulaient à travers les rues de la ville, quémandant à toutes les portes. Il avait entrepris les démarches nécessaires et avait su regrouper les bonnes volontés. Le titre de l’Hôpital Justinien perpétue donc la reconnaissance de tous envers ce bienfaiteur.

L’Hôpital Justinien est placé au pied du morne qui encercle, en partie, la ville. Il est construit sur l’emplacement d’une ancienne caserne coloniale détruite par le tremblement de terre du 7 mai 1842. C’est en 1882 que les premières pierres ont été posées. Après maintes tergiversations et plusieurs arrêts, faute d’argent et des troubles civils en 1888, l’Hospice a été achevé en 1890 et inauguré officiellement, le 16 mai de la même année.

À l’époque de l’ouverture de l’Hospice Justinien, on pouvait y hospitaliser 80 invalides. Cependant, le nombre des admissions ne dépassait pas une cinquantaine ; on y comptait 12 chambres. En 1917, l’Hospice Justinien est devenu Établissement de l’État haïtien et c’est seulement à partir de 1931 que la direction fut confiée à une administration entièrement haïtienne.

Beaucoup d’améliorations ont été apportées au cours de l’administration des médecins américains sous l’Occupation américaine. Ce qui transforma cet Hospice en un véritable hôpital. On y ajoute : le laboratoire, la salle d’opération, le service dentaire, le service de radiographie, l’ophtalmologie et le service de chirurgie. À ces départements se greffent au fur et à mesure : le Dispensaire, la salle d’isolement pour les tuberculeux et en dernier lieu, la salle privée qui comprend quatorze petites chambres. La pédiatrie en 1944 fut l’œuvre du Dr Appollo Garnier, administrateur de l’hôpital de 1942 à 1946. Il initia également le début de la construction du local de maternité qui se concrétisa quelques années plus tard, soit en 1952.

Profitant de l’étage du nouveau bâtiment dont venait de bénéficier le Service de la Maternité, la Direction générale accepta d’ouvrir une école pour la formation des infirmières. C’est ainsi que l’École des Infirmières du Cap-Haïtien a été fondée le 23 octobre 1952.

À noter, c’est en 1941 que tous les vieux et toutes les vieilles qui formaient la majorité de la clientèle de l’hospice, furent transférés à l’Asile communal Sténio Vincent. C’est aussi à ce moment que l’Hospice Justinien changea de nom et devient officiellement Hôpital Justinien, le 4 février 1941.

État des institutions hospitalières et médicales de la ville du Cap-Haïtien et des environs

Haïti possède un système de santé public, théoriquement les citoyens n’ont rien à payer quand ils se présentent dans un hôpital public. Quelques services ne sont pas couverts par l’État comme le coût de l’hébergement par exemple. La structure de gestion de l’organisation de la santé est chapeautée par le ministère de la Santé publique, qui délègue son pouvoir au directeur de la santé publique de chaque département. Actuellement, le Dr Ernst Robert Jasmin occupe le poste de « Directeur Départemental du Nord de la santé publique », poste qu’il assume depuis 16 ans. Son mandat est d’opérationnaliser la politique du Ministère suivant les spécificités du département. Il coordonne, planifie, supervise toutes les activités sanitaires dans le département. Tous les lundis, il organise une réunion de planification avec les responsables de section. Il met en place un plan de communication départementale qui se fait dans les salles d’attente des centres de santé, des hôpitaux, lors des rencontres communautaires et sur des stations de radio très écoutés du Département.

Le budget de fonctionnement est contrôlé par le bureau central du ministère de la Santé publique; le département liste ses besoins en matériel et au niveau de la main d’œuvre, propose et justifie ceux-ci. Ensuite il envoie la proposition pour approbation et décaissement. La recherche de partenariat avec d’autres institutions sanitaires locales et/ou internationales est fortement favorisée.

Dans son rôle de prévention, des campagnes de vaccinations sont organisées périodiquement ou en prévention d’une épidémie. Les vaccins obligatoires pour les enfants de 0 à 5 ans sont disponibles dans les centres de santé et Hôpitaux publics. Il existe également des vaccins non pris en charge par le réseau public qui sont donnés par des pédiatres dans leur clinique privée.

Durant les dernières années, une série de transformations à l’Hôpital Justinien a été effectuée dans le but de permettre à l’hôpital de répondre aux besoins de la clientèle sans cesse grandissante. « Sous l’impulsion de la Sénatrice Dieudonne Luma Etienne et avec l’appui de l’UNFPA, le Fonds des Nations Unies pour la Population, les travaux de rénovation de l’Hôpital Universitaire Justinien du Cap-Haïtien ont été officiellement lancés par le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), le dimanche 26 mai 2019. Les travaux, qui ont démarré au niveau de la toiture du bloc ORL, se sont poursuivis, notamment à la salle de pré-partum et au bloc sanitaire. En outre, la maternité est maintenant dotée d’un système d’énergie solaire parallèle et de nouveaux lits ». (2)

L’Hôpital Universitaire Justinien a un double rôle, soit :

a) un Hôpital départemental, c’est-à-dire qu’il est le carrefour ou le modèle des centres hospitaliers, et

b) un Hôpital universitaire. Son statut universitaire lui octroie des privilèges et sa mission consiste à améliorer la santé de sa population grâce à des services, à de l’enseignement et à de la recherche. Donc il reçoit les internes des écoles de médecine du pays, ainsi que des résidents qui se spécialisent dans les services offerts par l’hôpital, soient :

  • Médecine interne
  • Urologie
  • Laboratoire : c’est le laboratoire central du département
  • Radiographie
  • Urgences
  • UMF (Médecine Familiale) : Santé communautaire
  • Orthopédie
  • Chirurgie
  • ORL
  • Odontologie
  • Salle opératoire
  • Réhabilitation

En complément au traitement, la radiographie reste un outil important. Ce service est fourni à différents établissements, en privé comme en public. Comme centres de radiographie publics, nous pouvons identifier l’Hôpital Universitaire Justinien, OFATMA et CRUDEM. Des cliniques privées CERASO lab. Cap (Centre de radiographie et de laboratoire du Cap-Haitien) et CLISCAP fournissent aussi ce service.

Les services d’échographie, de résonance magnétique ainsi que le scanner sont manquants dans le Nord, pour y avoir accès il faut aller dans la capitale, à Port-au-Prince.

On enregistre également dans des spécialités importantes, une pénurie de personnel comme anesthésiste et radiologiste. Au Cap-Haïtien, il existe une seule anesthésiste connue et certifiée, la Docteure Marie Carmelle Leconte, elle forme d’autres assistants ainsi que des infirmières anesthésistes. Le problème se répète au niveau des radiologistes, il en existe un seul connu, un seul interprète connu et certifié : le Docteur François Joseph. De plus deux spécialités sont actuellement non couvertes à l’HUJ : pneumologie et oncologie ; actuellement, ce sont les généralistes qui assurent le traitement.

« Simple hospice au début, créé par l’initiative privée, destinée à abriter de pauvres mendiants, il est devenu cet hôpital qui a rendu et continu à rendre de si grands services à tout le Département du Nord, étant jusqu’en ces derniers temps l’unique centre hospitalier où les malades sont sûrs de trouver les soins les plus empressés d’une institution réellement organisée, » citation de Dr Constant André dans son livre de 1967. (3) Nous pouvons sans hésiter répéter ses dires en 2020.

Pour répondre plus adéquatement aux besoins de la population, il s’est développé une structure de prise en charge des malades en dehors de l’hôpital avec des cliniques privés. L’augmentation de la population entraine également la création d’autres hôpitaux pour desservir la clientèle des régions limitrophes. On retrouve en effet sous l’appellation « hôpital » plusieurs autres centres, cependant, pour être un hôpital selon les normes du Ministère il faut répondre à certains critères, par exemple avoir les 4 axes de santé de base : Maternité, Pédiatrie, Chirurgie, Médecine Interne. Parmi les centres de santé du Département du Nord, autre que l’Hôpital universitaire Justinien (HUJ), deux répondent aux normes : l’Hôpital de Sacré Cœur (CRUDEM) et l’Hôpital Saint François de Sales.

De ce nombre, nous pouvons citer :

  • CLISCAP (Clinique spécialisée du Cap-Haïtien) : « C’est un organisme privé créé en 2016. Dans l’offre de services, nous retrouvons la chirurgie générale et la chirurgie gynécologique. Suivant leur publicité, les professionnels attachés réalisent des chirurgies de type : hernie, hydrocèle, fibrome, kyste, hémorroïde, chirurgie mammaire, vaginales, utérus ». (4)
  • DASH, (Développement des activités de santé en Haïti), « fondé en 1985 a commencé ses activités avec la vision et la ferme conviction qu'il était possible de fournir des soins de santé de qualité à un prix abordable à tous les Haïtiens grâce à des systèmes d'assurance, des plans de services de santé et des soins abordables pour tous. Son fondateur, le Dr Ronald V. LaRoche, détient une maîtrise en santé publique de l'Université de Yale et un diplôme de troisième cycle en ingénierie financière de l'Université de Harvard et a construit au fil des ans le plus grand réseau de soins de santé au monde. Haïti avec 20 centres médicaux, 7 hôpitaux avec des médecins sur place 24h / 24, 7j / 7, 300 employés dont 10% de médecins. DASH opère sur tout le territoire national avec des formations sanitaires qui lui appartiennent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, dans la ville de Cap-Haïtien, sur la Côte des Arcadins et avec les structures affiliées à travers son système appelé OPUS ». (4)
  • Hôpital Saint François de Sales, situé au Haut du Cap, « C’est en 1916 que la Société des Filles de Saint François de Sales s’est implantée en Haïti. Mgr Kersuzan, évêque de Cap-Haïtien, venait de se faire soigner en France. Intrigué par l’attitude de l’infirmière qui s’occupa de lui, pleine de gentillesse, d’amabilité, il lui fit la remarque. Elle répondit simplement : « Je suis Fille de Saint François de Sales. » Avant de rentrer en Haïti, Mgr Kersuzan visita le Centre Salésien, s’informa de tout ce qui concerne la Société, emporta des documents et, dès son retour dans l’île, installa la Société au Cap-Haïtien ». (4)
  • Hope (Plaine du Nord), « C’est une organisation caritative basée à Naples, en Floride, dont la mission est d'améliorer la qualité de vie du peuple haïtien, en particulier des enfants. Fort de 30 années d'expérience, Hope for Haïti travaille dans cinq domaines de programmes principaux (éducation, soins de santé, eau, infrastructure et économie) pour guérir et autonomiser les communautés… » (4)
  • SAREPTA, (Clinique de santé Santé 2000) « offre des soins spécialisés aux diabétiques. Le diabète est une épidémie (sic) croissante en Haïti, entraînant souvent la mort en raison de soins inadéquats. Le programme Sarepta fournit de la nourriture aux personnes âgées de Haut Limbé. Chaque mois, environ 95 personnes âgées reçoivent des compléments alimentaires; chaque dimanche matin, un petit-déjeuner est servi. Le projet d'alimentation de Petite Anse dessert les enfants vivant dans un bidonville du Cap haïtien. Le Canadian Covenant, en partenariat avec Collège Park Covenant Church (Saskatoon) et une équipe haïtienne locale, fournit un repas de riz et de haricots 2x / semaine à environ 160 enfants ». (4)
  • CRUDEM : « L'Hôpital Sacré-Cœur est le plus grand hôpital privé (c'est-à-dire non gouvernemental) et est fournisseur de soins de santé publique pour les 250 000 personnes vivant dans la région de Milot, dans le nord d'Haïti. L'Hôpital Sacré-Cœur a été créé par Frères du Sacré-Cœur, une congrégation québécoise en 1968 sur un terrain appartenant à l'archidiocèse catholique du Cap-Haïtien. À l'invitation de l'archevêque du Cap-Haïtien, la Fondation CRUDEM Inc. a assumé la responsabilité financière de l'Hôpital Sacré-Cœur en 1986. CRUDEM signifie Centre pour le développement rural de Milot, qui était le nom donné par les Frères du Sacré-Cœur à leur mission à Milot.
  • En 2012, la Fondation Holy Name Medical Center de Teaneck, NJ (« Holy Name ») est devenue le seul membre corporatif du CRUDEM. En plus d'un soutien financier substantiel, Holy Name fournit la gamme complète d'assistance technique, opérationnelle, de formation et administrative à l'Hôpital Sacré-Cœur. La gestion de l'Hôpital Sacré-Cœur est sous la responsabilité de son équipe dirigeante haïtienne, assistée de plusieurs conseillers techniques américains fournis par le CRUDEM.

    L'Hôpital Sacré-Cœur a connu une croissance sans précédent ces dernières années et est maintenant un hôpital de référence désigné par le gouvernement pour le département du Nord d'Haïti. L'hôpital est passé de 10 lits en 1986 à 72 lits avant le séisme. Au lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010, l'hôpital a bondi à 420 lits. Actuellement, le nombre de lits d'hospitalisation à l'Hôpital Sacré-Cœur est de 200 (mais lors des épidémies de choléra, le recensement quotidien moyen de l'hôpital peut aller plus haut). En plus des services aux patients hospitalisés (y compris une unité de soins intensifs et une unité de soins intensifs néonatals), HSC dispose d'une salle d'urgence 24/7, de cliniques externes, de services de maternité, de services pédiatriques, de services dentaires, d'une clinique prothétique, d'une pharmacie, d'un laboratoire clinique et un service de pathologie (le seul service de pathologie dans le nord d'Haïti). L'hôpital offre également une gamme complète de services de lutte contre le VIH / sida, y compris un programme de prévention de la transmission mère-enfant. La sensibilisation se fait par le biais du Service de santé communautaire, avec des infirmières de santé publique et des agents de santé communautaire, desservant un certain nombre de sites dans la région et touchant 150 000 personnes avec des vaccinations, des soins prénataux, une formation de base en hygiène et nutrition, et le VIH / SIDA, la tuberculose, le paludisme et le traitement de la filariose lymphatique ». (4)

  • Hôpital Convention Baptiste de Quartier Morin : « Le Centre de réhabilitation Pascale Aurélie Toussaint a été inauguré le 23 novembre 2011, au sein de l’Hôpital de la Convention Baptiste dans la commune de Quartier Morin, à proximité de Cap-Haïtien. Depuis le 12 janvier 2011, le Centre qui dispose de médecins, d’infirmières, de kinésithérapeutes qualifiés, avait dans un premier temps, reçu dans un bâtiment désaffecté, 22 patients; à la date de l’inauguration, 20 ont pu être réhabilités. Financé dans le cadre des Projets à Impact Rapide de la MINUSTAH, ce projet a été réalisé en partenariat avec plusieurs organisations dont Konbit Santé, Haïti Hospital Appeal, Healing Hands for Haïti et la Fondation Suisse des Paraplégiques… Il s’agit d’un pavillon flambant neuf d’une capacité de 20 lits, construit dans le cadre des Projets à Impact Rapide (Quick Impact Project – QIP) de la MINUSTAH à hauteur de 97,500 dollars américains. Le centre a pour vocation de prendre en charge les patients paraplégiques et tétraplégiques et autres personnes à mobilité réduite qui auront accès à des soins de rééducation physique. Autre vocation du centre, la formation de professionnels de la santé dans cette spécialité, grâce notamment à l’expertise de Healing Hands for Haïti, un centre orthopédique de réhabilitation et de prise en charge des handicapés-moteurs ». (4)
  • Hôpital OFATMA (Office d'Assurance Accident du Travail, Maladie et Maternité) est un « organisme autonome de sécurité sociale se veut un outil de prévention des risques professionnels dans le milieu du travail. Instrument de protection sociale à part entière pour le travailleur (intellectuel et manuel), … Sont assujettis à l'assurance, les fonctionnaires de l'État et les administrations contrôlées par l'État, les employés, travailleurs, journaliers des entreprises agricoles industrielles et commerciales et, en général, tout travailleur manuel ou intellectuel qui prête, moyennant une rétribution, ses services à un employeur en vertu d'un contrat de travail express ou tacite. L'OFATMA est un office de service public, qui assure la prise en charge médicale de ces bénéficiaires. Au Cap-Haïtien, l’hôpital est situé sur le terrain de l’HUJ ». (4)
  • Structure d’organisation
    Médecins de l’HUJ

    Les médecins sont des employés de la fonction publique, donc ils travaillent à l’hôpital Universitaire Justinien et dans les centres de santé communautaire. La plupart travaillent dans leur clinique privée et dans les autres centres hospitaliers de la ville. Environ 50 médecins répondent aux besoins de la clientèle de l’HUJ. On retrouve en général une centaine de médecins dans le Département du Nord.

    Les médecins généralistes reçoivent un salaire mensuel du gouvernement de 34 000,00 gourdes, soit l’équivalent de $355,97 américains (95,51 HTA pour $1,00 US, selon le taux de change en décembre 2019) et les spécialistes 38 000,00 gourdes. Ils assurent une présence médicale à l’HUJ tous les jours de 8 h 00 à 13 h 00. Un roulement de garde entre les médecins couvre la balance du temps (de 13 h 00 au lendemain 8 h 00), ils restent disponibles pour toute urgence et répondent à l’appel en cas de besoin. Ce temps de garde, ainsi que l’intervention d’urgence, est vu comme du temps non rémunéré ou interprété comme du temps intégré dans la rémunération mensuelle ; suivant la perception, on voit la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine.

    Infirmières de l’HUJ

    Dans la structure de gestions, les « infirmières de ligne » occupent une place importante. Elles sont des employées du gouvernement et reçoivent un salaire mensuel de 23 500,00 gourdes. Elles assurent une présence permanente au sein de l’HUJ ; l’infirmière spécialiste (sage-femme, hygiéniste …etc.) 26 000,00 gourdes.

    L’infirmière est le bras droit du médecin. Elles assistent les médecins dans toutes les activités à l’hôpital ; ils travaillent en complémentarité. Ce sont des professionnelles engagées dans les soins aux malades. Le médecin écrit l’ordonnance et l’infirmière exécute l’ordonnance ; elle s’assure que le patient a les moyens pour exécuter l’ordonnance ou sinon elle va trouver toutes les astuces pour lui procurer les médicaments.

    Les infirmières ont un rôle plus élargi que leurs homologues en Amérique, dans des situations d’urgence, en l’absence du médecin, elles prennent des initiatives en posant des actes réservés aux médecins, sachant les inconvénients du milieu : problème de transport, problème de communication…. Face aux patients, l’infirmière a une fonction de multidisciplinarité. En effet, elle fait l’évaluation psychosociale, elle s’assure que le milieu de vie est adapté aux besoins du patient suite à l’hospitalisation, elle voit au contrôle de la médication et s’occupe parfois de vêtements et de la nourriture pour les moins nantis.

    À observer le fonctionnement des médecins et des infirmières à l’HUJ, nous pouvons énoncer la citation du Dr. Augustin Mathurin :

    « Il y a toujours eu chez nous de belles âmes et de tout temps, dès le berceau de notre petite Nation, l’amour du prochain a dominé dans nos actes, affirmant ainsi la grande bonté raciale qui nous a toujours si heureusement servi (sic) dans l’opinion mondiale ». (5)

    Hospitalisation

    L’HUJ dessert la population du Cap-Haïtien ainsi que les régions limitrophes, il offre 300 lits d’hospitalisation. En général, les lits se trouvent dans des salles, à quelques exceptions près, on retrouve des chambres semi-privées ou privées dans la maternité.

    Le coût de l’hospitalisation est fixé suivant le lit occupé : public ou privé et selon le département, il varie entre 750 gourdes à 1000 gourdes. En plus des frais encourus pour le lit, le malade doit assumer des dépenses pour la plupart des produits utilisés pour son traitement ; par exemple, il paie le carré de gaze pour un pansement, les médicaments, l’oxygène …etc. Au cours de son séjour à l’hôpital, le patient doit se procurer les accessoires de services comme drap, serviette, brosse à dents, gants, culottes d’incontinence. La nourriture également reste sous la responsabilité des parents du malade, certes les médecins recommandent le régime alimentaire à suivre, mais tout est à la charge des parents. Il existe des dons qui permettent de prendre en charge un patient non encadré mais cela reste très limité.

    Dans un contexte de pauvreté comme on le connait, on enregistre régulièrement des patients « déserteurs », après avoir reçu les soins que nécessitent leur état de santé, ils quittent incognito l’HUJ et impossible de les rejoindre.

    Devant cet état de fait, on se demande qu’est-ce qui est public ? C’est l’honoraire du médecin. Il est important de noter que dans la structure d’accueil de l’HUJ tous ces éléments encadrant l’acte médical en cours d’hospitalisation devraient être fournis. C’est le manque de financement qui a entrainé cet ajustement. Malgré tout, l’HUJ ne refuse personne, même dans les périodes achalandées où le nombre de patients dépasse leur capacité d’accueil. À ceux qui n’ont aucun moyen de payer leur lit ou de fournir les accessoires de support, la réserve interne de l’HUJ y supplée.

    Aux dires du Directeur départemental du Nord de la Santé publique, l’hôpital reçoit des dons qui sont le plus souvent inadaptés au besoin immédiat de l’établissement, ou du matériel près de la date d’expiration. Le Directeur souhaite que les institutions qui comptent faire des dons au ministère de la Santé publique le fassent en tenant compte des vrais besoins de la clientèle, ainsi l’utilisation pourrait être plus efficace et efficiente.

    Ambulance

    Le Centre Ambulancier National (CAN) dessert le Département du Nord. De plus, il existe un service d’ambulances attaché spécifiquement à un hôpital ; c’est le cas pour les hôpitaux suivants : (DASH) (Développement des Activités de santé en Haïti), CRUDEM (Hôpital Sacré-Cœur de Milot) et OFATMA.

    Pharmacie

    L’HUJ est doté d’une pharmacie, cependant, la pharmacie de l’hôpital est presque vide ; on réfère le patient dans des pharmacies externes privées. Les patients peuvent se procurer les médicaments dans les pharmacies de la ville, qui semble être un commerce florissant parce qu’on en décompte beaucoup. Il existe deux sortes de pharmacie : une pharmacie qui exécute que les prescriptions, ce lieu est géré la plupart du temps par un pharmacien, et une pharmacie où on retrouve les médicaments en vente libre. Les médicaments sur ordonnance médicale se trouvent dans les deux types de pharmacie, à moins que ce soit une composition chimique spéciale. On n’est pas obligé d’être pharmacien pour être propriétaire d’une pharmacie.

    Il ne faut pas ignorer les marchands ambulants de médicaments dans les marchés sur les places publiques ou tout simplement dans les rues de la ville. L’avantage dans cette structure est qu’on peut acheter les médicaments suivant notre capacité de payer « pilule par pilule ». L’inconvénient se trouve au niveau de la qualité de conservation, puisque tous les médicaments sont exposés au soleil, indépendamment de la recommandation de leur conservation.

    Réadaptation

    Les patients nécessitant une période de réadaptation post-opératoire peuvent en bénéficier au sein de leur établissement tel que l’HUJ, l’OFATMA, l’Hôpital Convention Baptiste de Quartier Morin et le CRUDEM.

    Du matériel de réadaptation est disponible sur place, ainsi que le personnel qualifié, comme par exemple pour la thérapie à l’OFATMA, il existe deux physiothérapeutes et deux techniciens en réadaptation.

    Données statistiques

    À notre demande, le Bureau de la santé publique du Département du Nord nous a transmis quelques données statistiques. Puisque le système de saisie de données du MSPP vient d’être modifié, on est dans une période de rodage, il est difficile de fournir les informations disponibles, certaines données sont difficiles à trouver. Pour avoir une vue d’ensemble des activités au sein de l’HUJ, nous avons recueilli tout de même les données de 2015 à 2018 ; celles de 2019 étant incomplètes.

    Les chiffres du tableau ci-dessous démontrent une augmentation fulgurante des activités au sein de l’HUJ, passant de 6 311 à 11 418 soit 55,27%, les données de la chirurgie de 2018 non incluses. Au niveau des décès, bien que le chiffre absolu aille en augmentant, on constate une stabilité proportionnelle compte tenu l’absence de données de la chirurgie (2,39% à 2,94%).

    Il est important de saisir que les données de ce tableau ne reflètent que les actions posées à l’intérieur de l’HUJ, la situation de la population en général n’étant pas prise en compte.

    Année/Sujet2015201620172018Évolution
    Hospitalisation452764835629827054,74%
    Chirurgie344387N/DN/D
    Accouchement144013862060314846%
    Total6311825676891141855,27%
    Décès15121630833645%
    % décès/total d’activités2,39%2,62%4,01%2,94%
    Autres structures de prise en charge des malades

    Pour être en bonne santé, nous avons besoin d'harmonie, d'harmonie au niveau physique, mental, émotionnel et énergétique. La combinaison de la guérison énergétique avec tout autre type de thérapie ou de traitement médical est une pratique courante en Haïti. C’est ainsi que nous trouvons, en plus de la médecine traditionnelle, une prise en charge parallèle qui se situe au niveau d’une approche naturelle ou spirituelle.

    Médecine naturelle

    Au cours des dernières années, la médecine naturelle au Cap-Haïtien prend toute sa place. Face au problème de santé, le professionnel travaille en partenariat avec le patient sur un plan de traitement personnalisé, il organise des séances de suivi si nécessaire et l’accompagne vers un processus de guérison. Le traitement par les feuilles est dominant. Les médicaments prescrits sont presque tous naturels ou à base de plante, algue, poisson.

    On compte plusieurs naturopathes au sein de la ville qui servent une clientèle attitrée. Le naturopathe Evilus Donnet, le seul certifié, autorisé, enregistré au ministère de la santé Publique, travaille dans sa clinique située à Vaudreuil, ville limitrophe de Plaine du Nord. Il reçoit les patients selon un horaire régulier et prend en charge des malades en cas d’urgences.

    Madame Marge André, herboriste, thérapeute accréditée en provenance des États Unis, pratique dans sa clinique à l’intérieur de la ville du Cap-Haïtien. Elle reçoit les malades en consultation, pose son diagnostic et travaille sur le changement de style de vie, elle utilise également les feuilles de guérison qu’on trouve sur place. Des séminaires de formation sont offerts à la population dans le but de les sensibiliser à l’importance de la qualité de la vie pour la prévention.

    En Haïti, on a tendance à confondre ces professionnels avec les « hougans » car leur méthode diffère des médecins traditionnels, ils sont appelés « doktè 2 mains », ce qui sous-entend que cette spécialité utilise tant la médecine traditionnelle que la médecine holistique.

    Le coût du traitement peut varier d’un naturopathe à un autre, environ 2000,00 gourdes ou plus pour une consultation. Et les médicaments sont très onéreux.

    Médecine spirituelle

    On retrouve la trace de la médecine spirituelle aussi loin que l’intégration des Noirs sur l’île. Elle est pratiquée par la majorité des habitants du Département du Nord. Cette approche, utilisée par les « hougans » et les « bokos », traite, soigne et cherche à comprendre l’origine sociale et psychologique de la maladie. Elle intègre l’aspect culturel dans le traitement d’une maladie.

    La médecine traditionnelle doit composer avec cette pratique. Dans le suivi médical, quand un médecin détecte l’implication parallèle d’un boko, il est obligé de l’accepter et négocier avec son patient la frontière de chacun pour assurer le succès de son traitement. En effet d’après le docteur Cyril Leconte (président de la Fondation Alfred Béliard contre le cancer) il arrive qu’en cours de consultation on découvre que le patient bénéficie de la médecine spirituelle par des signes évidents pour les gens du milieu, exemple par l’odeur, en voyant quelques feuilles en dessous du vêtement ou encore par des marques de crayon sur le corps.

    Devant cet état de fait, le Dr Leconte nous explique qu’il entame un dialogue avec son patient pour bien comprendre l’objectif de cette démarche. En général les patients le rassurent, ce n’est pas par manque de confiance en sa compétence, mais « il faut sonder l’esprit », suivant l’évolution de son état de santé, « maladi sa pa pou doktè » en traduction libre « pour ce type de maladie, la médecine traditionnelle n’en viendra pas à bout ». Les intervenants de la médecine spirituelle utilisent la technique de voyance, ils ont une approche en symbiose avec la nature, en contact avec les produits du terroir et les esprits qui nous entourent. En conclusion, le Dr Leconte prend une entente avec son patient en acceptant qu’il continue son traitement parallèle à condition qu’il n’accepte aucun produit par la bouche, i-e pas de médicament, pas de tisane, rien à manger. Il peut continuer à recevoir des bains, des massages à l’huile et assister à des cérémonies spirituelles. En général les patients respectent l’entente et le traitement médical évolue positivement.

    La clientèle utilisant la médecine spirituelle se retrouve dans toutes les couches de la société. Le niveau intellectuel et le rang social n’influencent pas l’adhésion à ce type de traitement. C’est une question de foi, seule la foi chrétienne de la personne apportera un interdit plus fort que l’aspect culturel.

    Nous ne pouvons malheureusement pas apporter des informations sur le coût du traitement ou la durée de la prise en charge, malgré notre recherche aucun intervenant dans ce domaine n’a accepté de nous parler en dehors de son lieu de pratique. Ils fonctionnent en cercle fermé et c’est difficile d’avoir accès à l’information.

    Notes :

    1. Dr Constant André « L’Hôpital Justinien du Cap-Haïtien, de sa fondation 1890 à l’année 1966 ». Bibliothèque Haïtienne, Collection Capoise 1966, Presses Nationales d’Haïti, juillet 1967.

    2. Le Nouvelliste, publication du 28 mai 2019

    3. Dr Constant André. « L’Hôpital Justinien du Cap-Haïtien, de sa fondation 1890 à l’année 1966», p. 9

    4. Le contenu de la présentation de ces centres est extrait soit de leur page Facebook ou de leur site Web (internet)

    5. Citation extraite de la Préface de l’ouvrage du Dr Augustin Mathurin : « Assistance Publique et Privée en Haïti et Pages Médico-Sociales » publié en 1944

    Remerciements

    La description de la situation actuelle du fonctionnement du système de santé au Cap-Haïtien s’inspire des commentaires des professionnels œuvrant dans le domaine, soucieux des services de santé offerts dans la ville. Nos remerciements s’adressent à eux :

    • Dr Ernst Robert Jasmin : Directeur départementale de Nord de la MSPP
    • Dr Guetto Dubbé: Directeur administratif Hôpital Universitaire Justinien
    • Dr Cyril Leconte : Président de la Fondation Alfred Béliard contre le cancer
    • Miss Thys France Péan: Infirmière hygiéniste spécialiste en santé Publique, coordonnatrice des programmes de formation et de communication, Formatrice au Département Sanitaire Nord
    • Dr Evilus Donnet: Naturopathe, Iridologue, Nutritionniste, Physiothérapeute
    • Ing Gagnold Jean : Gestionnaire de Données, Département Sanitaire Nord
    • Mr Ronald D. Jean : Comptable à l'OFATMA
    Source : Lita Béliard MAP, Directrice générale de la Fondation Alfred Béliard contre le cancer, www.fondationalfredbeliard.org