Entrepreneur de pompes funèbres, René Péan était accusé d'avoir tué un de ses clients. Arrêté et maltraité pendant sa détention alors que la justice instruisait l'affaire, sa femme se rendit à Port-au-Prince pour faire part de ses inquiétudes aux autorités de la capitale qui ordonnèrent la mise en liberté de l'inculpé. Lorsque le bruit se répandit en ville qu'elle avait dépensé une fortune pour obtenir la libération de son mari, le commissaire du gouvernement, Jean Valbrun, furieux, expédia un télégramme au président Duvalier pour lui faire accroire que la population du Cap vivait dans un état de panique et barricadée derrière des portes closes depuis la remise en liberté de René Péan, le dangereux criminel.
Duvalier lui accorda alors carte blanche pour régler la question comme il l'entendait. Valbrun n'attendait pas mieux pour, une nouvelle fois, faire retourner Péan en prison. Là, en dehors de tout cadre légal, il convoqua un «comité civilo-militaire» composé de lui-même, Jean Valbrun, commissaire du gouvernement; de M. Louis Durand, préfet de l'arrondissement; du colonel Charles Lemoine, commandant du département militaire et du capitaine Serge Madiou, chef de la police du Cap-Haïtien. Après avoir rencontré Péan quelques instants la veille, le «comité» le fit exécuter sans autre forme de procès dans la matinée du lendemain.
Sur la photo, on voit le curé de la paroisse de la cathédrale, le père Coignard, qui, entouré de tontons-macoutes, reçoit la confession du condamné. L'homme occupé à attacher Péan au poteau est le chef de la milice du Cap, Robert Cox. Celui qui se trouve au premier plan avec un chapeau sur la tête, est un milicien du nom de Ti-Raymond. Le peloton d'exécution arrivera dans quelques minutes avec, pour le commander, le lieutenant Roland Chavannes.
Le verdict de condamnation de Péan suivi de son exécution sommaire le mardi 16 février 1965 était tout, sauf un fait de justice. René Péan a été passé par les armes pour un crime qu'il n'avait probablement pas commis, sans avoir eu droit a un procès régulier, sans preuve, sans témoins, sans juge pour l'entendre, sans avocat pour le défendre, ni jury pour en débattre. Tout citoyen haïtien pouvait alors craindre de finir, comme René Péan, attaché devant un poteau d'exécution. Bien ironiquement, deux ans plus tard, en juillet 1967, après un jugement expéditif, le colonel ad honores Charles Lemoine et le capitaine Serge Madiou, se retrouveront parmi les dix-neuf officiers fusillés par Duvalier pour complot contre sa personne.
Charles Dupuy
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